RESUME DE MA THESE DE DOCTORAT

 

 

« Du réel à sa transcription picturale : la simplification comme moyen d’accéder au poétique »

Thèse d’université présenté en vue de l'obtention du doctorat en Arts et sciences de l’art à l’Université Paris I - Panthéon Sorbonne.


Cette recherche a été construite comme une promenade en forêt parce que le point de départ de cette thèse a été une rencontre entre un arbre et moi dans la nature, en Chine, et le souvenir de cette rencontre, des années plus tard, à Paris. Tout au long de la réflexion, un mouvement d’aller-retour géographique (Chine et France), temporel (souvenirs anciens et expériences récentes) et culturel (métissage des regards et des techniques) s’est mis en place. A travers ce mouvement, c’est une recherche sur le processus du regard, les concepts de trace, de simplification et de poésie qui est apparue.

 

De la simplification à la distance poétique

Ma thèse est structurée autour d’un objet unique : un fragment de tronc d’arbre et d’un thème central : la trace. Par cette recherche, j’ai essayé de comprendre d’une part l’importance de l’autre dans la création d’un tableau, et d’autre part de voir comment la simplification peut permettre à deux « langages » différents, images et mots, de se rencontrer dans les arts plastiques.
Ce processus s’est accompagné d’une mise en relation et d’une comparaison entre culture occidentale et culture chinoise, sur le plan de la peinture, de la poésie et de la philosophie.
Il a été important pour moi d’essayer d’écrire ma thèse dans le même style que mes peintures : un style simple, poétique, sincère et parfois intime, très lié au souvenir et à l’harmonie.

Dans ma recherche, la simplification n’est pas un but mais un moyen d’expression poétique. Je pars du réel, de la nature, plus particulièrement de l'arbre et de ce dont il a besoin pour vivre : la terre, l’eau…
J’ai simplifié à toutes les étapes : au niveau de la représentation, du geste, de la technique et des matériaux afin de rendre visible la poésie contenue dans l’arbre. L’écorce est alors devenue une écriture imaginaire du tronc, une trace du réel. En simplifiant, je libère l’image figurative tout en lui donnant une part de rêve et d’imprévu ce qui laisse une place importante à l’imagination.
La distance poétique est fondée sur deux rapports : le premier concerne ma relation avec le tableau achevé. Il s’agit alors d’étudier l’écart entre ce que le tableau est, une fois terminé, et ce que je voulais qu’il soit. Le second concerne la façon dont l’image indéterminée est perçue par les spectateurs.
Comment le processus de simplification permet d’établir cette distance poétique, et dans quelle mesure peut-elle devenir une structure commune entre le spectateur et moi ? Comment les traces de ma culture peuvent-elles être un passage vers une multiplicité poétique ?

 

Le croisement culturel

Ma recherche a opéré un double « tissage » : entre la peinture chinoise et la peinture occidentale ; entre la peinture chinoise et l’écriture chinoise. Ces croisements m’ont permis d’interroger l’art et la calligraphie chinois traditionnels en les comparant avec des productions poétiques et artistiques occidentales. Ainsi j’ai pu déterminer de plus en plus précisément ce que j’empruntais à chaque domaine et à chaque culture.
Dans la peinture chinoise, pour obtenir la vitalité de l’image, il faut qu’il y ait une mise à distance avec la réalité. Dans ma pratique, l’image représentée, en gardant sa forme particulière mais fragmentée, est à la fois très proche (visible, reconnaissable) et très éloignée du réel (moins compréhensible au premier regard et sans information).
L’agencement, que j’ai voulu créer est un tissage entre la peinture, l’écriture et le vers car ils sont inséparables pour rendre visible la poésie. A partir de la logique de l’invention de l’écriture chinoise, j’ai créé un signe imagé provenant de la nature.

La trace sur le cheminement

Dans ma recherche, la notion de trace traverse toute ma réflexion. De ma propre trace à celle de la couleur sur la toile et à celle de l’encre à travers le papier de riz.
J’ai choisi de regrouper mes réflexions selon deux grands axes articulés autour de cette notion.
? Le premier chapitre s’intitule : La trace du réel. J’ai essayé de comprendre le rôle de la trace dans l’élaboration du tableau et sa présence dans la peinture achevée. J’ai choisi des éléments précis de l’écorce. Ma peinture a conservé une relation étroite avec ses origines. Je n’ai pas pris tous les détails, je n’ai gardé que certains traits qui sont devenus des traces de l’image réelle.
Le fragment a été le point de départ. Dans le tableau, il est devenu la trace de la nature, empreinte de l’arbre. Elle a permis à l’image de conserver la vitalité, la vigueur du réel en se libérant dans l’espace pictural.
J’ai d’abord présenté le tronc sous un seul angle. Pour les autres tableaux, l’image provient d’une empreinte prise sur le tronc puis déployée, autre façon de garder un lien avec la nature (la grandeur nature). Tous ces points de vue, jeu des regards, ont créé un rythme qui a été transmis à chaque tableau. Et ce rythme répété a servi de fil directeur pour voyager d’une toile à l’autre.
J’ai libéré l’écriture dans la peinture et j’ai travaillé la peinture comme une sorte d’écriture.
Puis, j’ai tenté l’image réelle grâce à une écriture plastique utilisant soit la touche et la couleur, soit le trait à l’encre. Avec cette méthode, j’ai essayé de pénétrer la profondeur, de remonter à l’origine du trait et de la touche, de voir leurs différences et leurs points communs.
J’ai aussi utilisé des formes simplifiées de l’écorce du tronc et des idéogrammes chinois afin de composer, dans l’espace pictural, les signes arbre, terre et eau. Il s’agissait d’arracher ces signes au domaine de l’écriture et de les faire apparaître dans un espace imaginaire, rêvé, celui de la peinture.
Enfin, j’ai tenté de substituer et/ou de combiner le signe arbre (pictogramme chinois) et l’image réelle, simplifiée, afin de créer des paysages (le bois, la forêt). Dans cette partie, la substitution a été un moyen de tisser la peinture et l’écriture de façon poétique. Ainsi, des rapports différents à la nature se sont formés, l’un empruntant le chemin d’un arbre en particulier, l’autre celui du concept d’arbre. La notion de paysage est alors apparue, et avec elle, le nom (donné par le titre) permettant de comprendre que la substitution n’était que partielle.
A la fin, en faisant de la trace un médium, l’image s’est effacée : pas complètement, juste assez pour rendre la traversée visible.
? Le second chapitre s’intitule : Regard sur la trace du réel. Dans cette partie, je me suis intéressée aux spectateurs afin de voir en quoi ils participent à l’achèvement de l’œuvre.
Que voient les spectateurs et que pensent-ils ? C’est-à-dire : comment, dans mes tableaux, la trace est-elle perçue ?
J’ai élaboré trois projets de rencontres avec des spectateurs.
Dans le premier, j’ai cherché les regards des spectateurs pendant une exposition : regards en mouvement, de loin, de près, à l’intérieur et à l’extérieur, face aux tableaux réels.
Dans le deuxième, j’ai effectué des enquêtes auprès de groupes d’étudiants. La communication a été établie par la présentation de photographies de mes tableaux. Les questions ont été posées de la façon la plus neutre possible. Dans un premier temps, elles concernaient des étudiants d’horizons culturels très différents. Dans un second temps, elles s’adressaient à des étudiants connaissant déjà les arts plastiques.
Pour le troisième projet, au cours de plusieurs voyages, j’ai recueilli les réactions individuelles de personnes intéressées par mon travail. J’ai montré mes tableaux à des chinois voyageant en France / j’ai montré, en Chine, des reproductions de mes travaux effectués en France. Je me suis intéressée à la notion de regard liée au voyage car il fallait alors prendre en compte la distance à la fois géographique et culturelle, comme dans mes tableaux.
Les textes, participations, témoignages des spectateurs ont apportés trois choses essentielles. Premièrement, par le spectateur, j’ai pu partager mon travail et le pouvoir apaisant et enrichissant de l’arbre. Deuxièmement, tous ces commentaires réunis sont devenus une poésie, création artistique à part entière. Enfin, la réflexion sur le regard a pu revenir à son point de départ en changeant mon propre regard sur mon travail car ces témoignages m’ont donné accès à d’autres visions de mes peintures.

 

Pour conclure

En utilisant les similitudes qu’il y avait entre le relief de l’écorce et l’écriture, ce n’est pas seulement une écriture imaginaire que j’ai créée, c’est en même temps une trace de la nature, de la culture et d’un souvenir.
Au delà de la représentation (qui crée une première distance avec l’objet réel), l’absence du contexte de départ renforce la distance et l’image devient indéterminée. Alors que le fragment représenté est figuratif, la distance remplace la dimension de l’identification (qui me permettrait de reconnaître l’écorce) par une dimension poétique (qui laisse une place importante à l’imagination).
En tissant la peinture et l’écriture, je me suis rendu compte que mon travail était un métissage via l’étymologie et dans la peinture. Par « tisser », je ne veux pas seulement dire mêler des images et des mots. Il s’agit aussi de croiser des techniques et des processus. Ce métissage a permis de créer une écriture, poésie commune, lieu commun, langage pictural qui ont donné naissance à un texte poétique inventé par les spectateurs. Et en exprimant la vitalité, la vigueur d’un détail (fragment d’écorce ou mot), c’est la force complexe et poétique de l’identité qui ressurgit au croisement des deux cultures.


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